Bordeaux, ville coloniale ? Bien sûr !
Au siècle des Lumières, le port de Bordeaux est l’un des plus riches d’Europe. De nombreux Bordelais vivent dans les Caraïbes, et particulièrement à Saint-Domingue (Haïti) pour produire et faire négoce d’une foule de denrées, sucre, épices, rhum...
La ville elle-même garde de nombreuses traces de cette activité dans ses murs. L’association Mémoires et Partages propose des promenades thématiques sur ce sujet. L’une d’elles, « Chartrons créoles », propose de découvrir l’histoire, riche et dure, du commerce triangulaire.
Le parcours se déroule en plusieurs étapes, pour évoquer aussi bien la vie des captifs, la vie des Noirs en Europe, que la longue marche vers l’abolition. Tout cela sans quitter le quartier des Chartrons, l’ancien grenier de la ville.
Commerce triangulaire
Départ de la balade au pied de la colonne des Girondins, sur l’immense place des Quinconces. Karfa Diallo, créateur et animateur de cette balade-découverte, fait revivre avec un vrai talent de conteur les conditions de voyage, de travail, d’esclavage des Africains.
Sans occulter l’histoire des princes africains qui vivaient de captures et revendaient leurs prisonniers aux Blancs européens au XVe siècle, sans nier l’existence millénaire de l’esclavage arabo-musulman dès le VIIe siècle, il explique l’élaboration d’une richesse européenne avec le commerce triangulaire.
Bordeaux, port le plus proche géographiquement des Caraïbes et de l’Afrique, est logiquement un point stratégique du commerce triangulaire.
Dans l’imposant entrepôt Lainé, « L’entrepôt réel des denrées coloniales », tout proche des Quinconces, les armateurs faisaient transiter toutes les richesses venues d’outre-Atlantique.
En parcourant les rues alentour, on trouve encore des traces de distilleries, d’entrepôts privés appartenant aux notables bordelais enrichis par ce commerce.
L’arrêt au Jardin public, tout proche, permet de raconter la vie dans les plantations et de rappeler l’existence, dans ce même jardin, sur les terrasses, du Musée de l’Institut colonial de Bordeaux, inauguré en 1901. Quelques mètres plus loin, au cœur du quartier des Chartrons, Karfa Diallo raconte l’histoire du café, qu’il provienne du Brésil, de Saint-Domingue ou de Madagascar.
Au fur et à mesure, l’historien évoque les premières révoltes d’esclaves, Haïti, première république noire après la seule révolte d’esclaves victorieuse de l’histoire, et en face, quai des Queyries, la statue hommage au chef de la révolution haïtienne, Toussaint Louverture. Enfin, il raconte la marche vers l’abolition de l’esclavage en 1848.
Premier navire
La promenade se termine quai des Chartrons, où tant de bateaux ont déchargé leur cargaison en provenance des colonies, pour s’arrêter devant la plaque commémorative posée en 2006, qui rappelle le départ du premier navire armé pour la traite des Noirs. C’était la première fois que Bordeaux faisait ainsi part de son passé.
Pour les curieux, une halte au musée d’Aquitaine complète à merveille cette balade. Une aile entière est consacrée à la traite des Noirs et au rôle de Bordeaux dans le commerce triangulaire.
Entre cours d’histoire très érudit et balade dans le beau quartier des Chartrons, la promenade « Bordeaux créole » est un précieux moment de partage pour en apprendre plus sur l’histoire de Bordeaux !
Carnet d’adresses
💡 Découvrir « Mémoires et partages »
Programme des balades (tarif : 10 €). Inscription obligatoire par mail ou téléphone. Départ à 10 h sauf mention contraire.
Visite individuelle ou de famille et visite nocturne : tous les jours de la semaine, horaires au choix, tarifs sur demande.
5 place Camille-Jullian, 33000 Bordeaux. Tél 09 54 34 78 63.
Site internet : http://memoiresetpartages.com et www.facebook.com/memoiresetpartages
📘 A lire
- « Bordeaux port négrier », par Éric Saugera, éditions Annales de la Révolution française (1997)
- La thèse de Julie Duprat, Ecole des Chartes, sur les minorités noires à Bordeaux au XVIIIe siècle, consultable sur simple demande aux Archives départementales de la Gironde
🛏️ Où dormir
Maison d’hôtes L’Esprit des Chartrons
De grandes chambres à la décoration raffinée qui ouvrent sur une terrasse en bois, isolées de tout bruit. A partir de 110 € la nuit, en semaine, 120 € le week-end.
17 bis rue Borie.
Tél. 06 82 20 20 67
www.lespritdeschartrons.fr