C’est un vol gracieux à la surface de l’eau, une danse zen et intime avec l’océan, une glisse primitive d’une émouvante pureté. Une pratique à ce point inscrite dans nos gênes d’amphibiens quittant les océans pour devenir terriens que les enfants la réinventent d’instinct, dès qu’ils sont en âge de jouer dans la mousse des vagues. La plupart des estivants expérimentent d’ailleurs le bodysurf (de « body » - le corps - et « surf » - la glisse) sans même le savoir, en se laissant porter naturellement par la vitesse et la puissance des déferlantes pour rejoindre le rivage.
Cet amusement universel, pratiqué à tout âge et dans toutes les civilisations où les conditions de mer s’y prêtent, est sans doute la plus ancienne de toutes les glisses, et peut-être aussi la moins connue. Les anciens Hawaiiens l’appelaient « kaha nalu », et la pratiquaient rituellement pour entrer en communion avec l’océan.
Une légende millénaire de l’île de Pâques, où les tortues surfent sur leur ventre pour venir pondre sur le rivage, affirme même que c’est de cette manière que la vie est arrivée sur terre. La plupart des passionnés parlent d’ailleurs du bodysurf comme d’une expérience spirituelle et sensorielle unique, et n’hésitent pas à comparer le fait de s’offrir presque nu à la caresse des vagues à une danse sensuelle, presque érotique, avec la nature comme partenaire.
Un plaisir immédiat
Facile d’accès, adaptable à tous les niveaux, le bodysurf offre des sensations fortes dès les premières minutes de pratique. Pas de complexes ou de peurs à surmonter, pas de technique particulière à apprendre, pas de planche ou d’équipement indispensable pour commencer à glisser... Un enfant qui sait bien nager ou une personne âgée peuvent débuter dans les petites vagues et éprouver du plaisir immédiatement. Quel autre sport de glisse peut en dire autant ?
Sur la côte landaise, qui abrite des centaines de spots parfaitement configurés pour le bodysurf, avec des vagues qui cassent près du bord, le nombre de pratiquants augmente chaque année de façon spectaculaire. Les maîtres-nageurs - tous bodysurfeurs émérites - encouragent volontiers la pratique, idéale selon eux pour acquérir du sens marin et pour apprendre à « lire » l’océan, les vagues et les courants. Bien sûr, c’est une chose de jouer dans les vagues en se lançant tout droit dans la mousse, et c’en est une autre de partir à la nage vers le large, palmes aux pieds, pour défier les mêmes vagues que les surfeurs. Le bodysurf devient un art lorsque l’on parvient à glisser parallèlement au rivage, comme en surf, et non de face. Mais qu’on le pratique de façon ludique ou à haut-niveau, ce sport universel offre à tous la récompense ultime, après laquelle les surfeurs courent parfois toute une vie : la vision mystique de l’intérieur du tube.