Une tradition ancestrale
Non loin de là, dans l'Adour et le Gave, le saumon se pêche depuis des temps immémoriaux.
Autrefois abondant, le travail du saumon était au cœur de la vie populaire et rurale de ces rives. Mais de la pêche à la fumaison, il y a un grand pas que les locaux ont mis longtemps à franchir. « Car ici, pour conserver, l'habitude était de confire dans la graisse », relève Pauline Barthouil, petite-fille de Gaston qui fonda la belle maison, à Peyrehorade.
Ce fils du boucher ouvre en 1929 une charcuterie où l'on trouve, tradition oblige, du canard confit. Puis il investit un vaste terrain en bord de Gaves, lieu de l'atelier d'aujourd'hui. Gaston se met alors à commercialiser des saumons frais jusqu'à ce que la célèbre maison parisienne Caviar-Volga, qui lui achetait des jambons de Bayonne, lui donne l'idée de les fumer.
Les premières approches en fumoirs de charcutiers ne sont pas du meilleur effet.
Un savoir-faire unique
Gaston Barthouil s'entête et finit par envoyer son chef de production au Danemark. En 1958, Joseph, dit Kiki Labarthe, prend la route de Copenhague et de l'île de Bornholm, la Mecque du fumage. « Il faut s'imaginer l'aventure, à l'époque, pour un homme qui ne parlait pas un mot d'anglais ni de danois ! », note Pauline Barthouil, responsable commerciale.
L'homme de confiance enregistre tout ce qu'il voit et ramène les gestes ancestraux dans l'atelier landais. La scarification de la bête, le salage à la main (au sel de Salies-de-Béarn imprégné 15 à 30 heures), la suspension verticale (qui fait perdre l'eau superflue pour garder l'essence du poisson), le fumage subtil grâce au foyer indirect, le découpage manuel.
Depuis, rien n'a changé ou presque chez Barthouil, certains fumoirs où se consument gentiment les copeaux de bois d'aulne de l'Adour du sabotier de Saint-Etienne-d'Orthe, sont encore d'origine.
Seule concession à la modernité, un appareil pour maîtriser l'hydrométrie.
Un goût inimitable
Unique véritable différence, les saumons de l'Adour, qui se pêchent toujours d'avril à juillet après avoir failli disparaître dans les années 80, ne représentent plus que 5 à 10% de la production. Le reste, sauvage ou d'élevage, à 25% bio, provient d'Ecosse, de Norvège et de la mer Baltique. « On recherche des saumons assez gros, mais pas gras : plus il a grandi, plus il a nagé, plus il a de goût », explique Guillemette Barthouil, devenue récemment chef de production dans l'entreprise familiale.
« Le goût quand on naît dans cette famille, on l'a dans le corps », renchérit Pauline.
Elle a travaillé dans le commerce équitable, en Amérique du Sud, et se régale aujourd'hui du cœur de saumon au poivre camerounais de Penja, un délice fondant avec une belle longueur en bouche. Goût toujours avec le tarama, 70% œufs de cabillaud fumés, au pain bio de Cauneille... la sensation de n'avoir jamais vraiment manger auparavant de cette spécialité souvent trop rose pour être honnête.
Une activité qui perdure de père en filles
Fortes de leurs expériences, les deux sœurs sont logiquement revenues au bercail landais, auprès de leur papa, Jacques, qui, à 72 ans, enfourche souvent son vélo pour rejoindre l'atelier depuis la maison familiale. Désormais heureux retraité, ayant confié la direction à Laurent Hagneré « le temps que ses filles éclosent », c'est lui qui dans les années 80 a fait le choix de l'activité à l'ancienne et à taille humaine (25 salariés aujourd'hui), quand beaucoup se tournaient vers la productivité à outrance, portant un coup à la qualité du saumon.